« Nous vivons dans une
société qui est fascinée par les sciences et la technologie. Paradoxalement,
depuis quelques décennies déjà, nous entendons parler de la montée de la
méfiance, voire même de la défiance vis-à-vis de la parole savante sur certains
sujets et sur certaines connaissances scientifiques, le déni d’une partie de la
population mondiale du changement climatique ou de l’évolution des espèces ne
sont que deux exemples parmi tant d’autres. C’est dans ce contexte que depuis
presque deux ans maintenant, avec la crise sanitaire, la science s’est imposée
comme jamais dans les médias et dans tous nos foyers, cependant le public a été
submergé par des prises de parole qui ont pu apparaître contradictoires entre
médecins, épidémiologistes et experts. Beaucoup de citoyens ont été
déstabilisés, et se sont questionnés sur la capacité de la science à apporter
des certitudes. Dans ce flot d’information, la science dit-elle le vrai ?
La parole savante serait-elle affaire d’opinion et de conviction
personnelle ? Et dans ce contexte, quelle sera sa place dans la société de
demain, science y croire encore ? ».
En effet, la crise
sanitaire liée au covdi-19, en 2020, a mis en avant les scientifiques, tout
spécialement les spécialistes des maladies infectieuses, mais elle a aussi été
l’occasion d’une véritable guerre entre savants, dont certains (comme Didier
Raoult) avaient leurs fans qui se sont étripés avec leurs adversaires sur les
réseaux sociaux. Autrement dit, on peut à la fois se féliciter de l’intérêt
général porté à la science d’un côté, mais se désoler du triste spectacle donné
par certains savants dans les médias. Et se pose la question de l’autorité de
la science et la confiance que l’on peut accorder aux scientifiques, étant
donné les intérêts politiques et économiques gigantesques en jeu. Question tout
particulièrement sensible au sujet du vaccin contre le covid, rendu
quasi-obligatoire par des mesures coercitives prises par un Etat macronien
discrédité par des politiques antisociales et autoritaires, et offrant des profits
gigantesques aux entreprises capitalistes du soin (ayant gagné la course au
vaccin) : comment pouvait-on se faire une opinion éclairée dans un tel
contexte ? Les opposants au « pass sanitaire » (dont une partie
était également opposée au vaccin) étaient-ils tous idiots et égoïstes, comme
on a essayé de les faire passer dans les médias ? Nous avons encore en
mémoire un certain nombre de scandales sanitaires (sang contaminé, médiator,
etc.) et plus récemment des ouvrages ont bien montré les
stratégies de certaines industries (énergie, pétrole ou tabac notamment) pour
tromper le public à propos de questions importantes (comme le réchauffement
climatique). En payant directement des scientifiques pour produire des études
conformes à leurs intérêts, un doute raisonnable s’est transformé en suspicion
généralisée. Il serait donc légitime de se demander si les scientifiques sont
tous « à la solde » du pouvoir (politique et économique) ou manipulés
par ce pouvoir (pour les plus crédules d’entre eux)… Mais ce serait mal poser
le problème ou n’en voir qu’une partie, car le rapport entre production
scientifique et reproduction de la domination sociale est bien plus large (et
cruel) qu’on ne le pense. Je vais essayer de le montrer ici, à propos des
sciences sociales.
