mercredi 12 juillet 2023

Science sans conscience politique, les savants au service du pouvoir ?

En introduction d’un échange entre deux rock-stars de la vulgarisation scientifique, Etienne Klein et Aurélien Barrau, on fait le constat suivant (en décembre 2021) :

 

« Nous vivons dans une société qui est fascinée par les sciences et la technologie. Paradoxalement, depuis quelques décennies déjà, nous entendons parler de la montée de la méfiance, voire même de la défiance vis-à-vis de la parole savante sur certains sujets et sur certaines connaissances scientifiques, le déni d’une partie de la population mondiale du changement climatique ou de l’évolution des espèces ne sont que deux exemples parmi tant d’autres. C’est dans ce contexte que depuis presque deux ans maintenant, avec la crise sanitaire, la science s’est imposée comme jamais dans les médias et dans tous nos foyers, cependant le public a été submergé par des prises de parole qui ont pu apparaître contradictoires entre médecins, épidémiologistes et experts. Beaucoup de citoyens ont été déstabilisés, et se sont questionnés sur la capacité de la science à apporter des certitudes. Dans ce flot d’information, la science dit-elle le vrai ? La parole savante serait-elle affaire d’opinion et de conviction personnelle ? Et dans ce contexte, quelle sera sa place dans la société de demain, science y croire encore ? »[1].

 

En effet, la crise sanitaire liée au covdi-19, en 2020, a mis en avant les scientifiques, tout spécialement les spécialistes des maladies infectieuses, mais elle a aussi été l’occasion d’une véritable guerre entre savants, dont certains (comme Didier Raoult) avaient leurs fans qui se sont étripés avec leurs adversaires sur les réseaux sociaux. Autrement dit, on peut à la fois se féliciter de l’intérêt général porté à la science d’un côté, mais se désoler du triste spectacle donné par certains savants dans les médias. Et se pose la question de l’autorité de la science et la confiance que l’on peut accorder aux scientifiques, étant donné les intérêts politiques et économiques gigantesques en jeu. Question tout particulièrement sensible au sujet du vaccin contre le covid, rendu quasi-obligatoire par des mesures coercitives prises par un Etat macronien discrédité par des politiques antisociales et autoritaires, et offrant des profits gigantesques aux entreprises capitalistes du soin (ayant gagné la course au vaccin) : comment pouvait-on se faire une opinion éclairée dans un tel contexte ? Les opposants au « pass sanitaire » (dont une partie était également opposée au vaccin) étaient-ils tous idiots et égoïstes, comme on a essayé de les faire passer dans les médias ? Nous avons encore en mémoire un certain nombre de scandales sanitaires (sang contaminé, médiator, etc.) et plus récemment des ouvrages[2] ont bien montré les stratégies de certaines industries (énergie, pétrole ou tabac notamment) pour tromper le public à propos de questions importantes (comme le réchauffement climatique). En payant directement des scientifiques pour produire des études conformes à leurs intérêts, un doute raisonnable s’est transformé en suspicion généralisée. Il serait donc légitime de se demander si les scientifiques sont tous « à la solde » du pouvoir (politique et économique) ou manipulés par ce pouvoir (pour les plus crédules d’entre eux)… Mais ce serait mal poser le problème ou n’en voir qu’une partie, car le rapport entre production scientifique et reproduction de la domination sociale est bien plus large (et cruel) qu’on ne le pense. Je vais essayer de le montrer ici, à propos des sciences sociales.